Language selection

Gendarmerie royale du Canada

Le coût de la fraude n'est pas que financier, disent les victimes

Par Patricia Vasylchuk

Sécurité publique

En 2024, le Centre antifraude du Canada (CAFC) a recensé 34 621 victimes de fraude.


Image par Shutterstock

13 mars 2025

Contenu

Selon le Centre antifraude du Canada (CAFC), les victimes de fraude et de cybercriminalité au Canada ont perdu plus de 638 millions de dollars en 2024, comparativement à 578 millions de dollars l'année précédente. Passés maîtres dans l'art de se déguiser et de créer de fausses identités pour manipuler, tromper et voler leurs victimes, les fraudeurs peuvent causer divers préjudices à ces dernières, peu importe le profil démographique qu'elles présentent ou le type d'arnaque dont elles sont l'objet. Beaucoup d'entre elles affirment avoir subi des pertes financières, mais aussi d'importantes séquelles émotionnelles et psychologiques, ainsi que des répercussions sur leur vie sociale.

« Quelle que soit la situation, la fraude entraîne toutes sortes de conséquences et chaque personne est différente », note Jeff Horncastle, spécialiste des fraudes et porte-parole du CAFC.

En 2024, la fraude à l'identité a fait le plus grand nombre de victimes, mais la fraude à l'investissement a encore occasionné les pertes financières les plus élevées, qui se chiffraient à près de 311 millions de dollars. Viennent ensuite les cas de harponnage, avec des pertes de plus de 67 millions de dollars, et les stratagèmes de rencontre, avec des pertes supérieures à 58 millions de dollars.

Répercussions sur les victimes

« Nous voyons maintenant des victimes de tous les types de fraude se retrouver avec de sérieux ennuis à cause de la finesse grandissante des stratagèmes », affirme Jeff Horncastle. Bien que certaines escroqueries se limitent encore à un incident isolé de courte durée, poursuit-il, le CAFC observe depuis quelques années des arnaques qui s'étirent dans le temps et qui englobent plusieurs sortes de pratiques trompeuses.

« Dans le cas d'une fraude liée à l'emploi, par exemple, la victime qui se voit d'abord proposer un travail consistant à promouvoir des produits peut ensuite être invitée à investir dans la cryptomonnaie pour passer à l'échelon suivant », explique-t-il.

Une situation de ce genre s'est produite à Toronto en 2021, sauf qu'il s'agissait au départ d'un stratagème de rencontre. Après avoir enjôlé la victime sur Facebook, le fraudeur l'a encouragée à faire des investissements en Bitcoin, lui subtilisant ainsi 355 000 $. En décembre 2024, la GRC, le CAFC et le Service de police de Toronto ont réussi, avec le concours d'autres partenaires, à restituer 225 000 $ à la victime.

Selon Jeff Horncastle, toutes les escroqueries peuvent engendrer des sentiments de trahison, de colère et de tristesse, surtout lorsqu'elles viennent jouer dans les émotions de la victime, comme c'est le cas pour les stratagèmes de rencontre. Les personnes touchées peuvent ressentir de la méfiance, du désespoir ou de l'anxiété, voire souffrir de dépression ou de stress post-traumatique.

« Même la fraude à l'identité peut avoir de lourdes conséquences, car elle touche tous les aspects de la vie de la victime, que ce soit son prêt hypothécaire ou ses démarches pour acheter une nouvelle voiture », fait valoir Jeff Horncastle.

Honte mal placée

Les victimes disent souvent éprouver de la honte et de l'embarras aussi, ce qui les pousse parfois à s'isoler de leurs proches, aggravant d'autant plus leur détresse, selon le rapport annuel du CAFC pour 2022.

Roberta Sinclair (Ph. D.), gestionnaire de Recherche et Politiques stratégiques de la GRC, est spécialiste de la cyberexploitation sexuelle d'enfants et combat ce type de prédation depuis plus de 20 ans. Elle souligne que les victimes qui décident de parler de leur expérience se heurtent parfois à des commentaires du genre : « Mais à quoi t'attendais-tu? » ou « Tu aurais dû avoir plus de jugeote. »

Elle dit que cette culpabilisation de la victime peut se voir relativement à tous les types de fraude, mais que cela arrive surtout dans les cas de sextorsion, une forme de chantage qui consiste à obtenir des images intimes d'une personne, puis à menacer de les publier à moins d'en recevoir d'autres ou de se faire payer.

« Les victimes peuvent se sentir stupides et se demander comment elles ont pu tomber dans le panneau. Mais la faute ne leur revient pas. C'est juste que le [fraudeur] est très habile », explique Roberta Sinclair, ajoutant qu'il faut faire attention au langage qu'on emploie devant une victime qui décide de se confier.

« En décidant à qui elle s'ouvrira en premier, la victime fait un choix vraiment déterminant », tranche-t-elle. « La façon dont ses paroles sont reçues et interprétées aura une profonde incidence sur son cheminement vers la guérison. »

Jeff Horncastle reconnaît que même le fait de lancer un commentaire du genre « c'est juste une arnaque » devant une personne qui est aux prises avec une telle situation peut causer du tort.

« Vous lui donnez l'impression qu'elle n'a pas été à la hauteur, qu'elle ne doit pas être très intelligente si elle vit ce qu'elle vit. Dans le fond, vous la découragez en quelque sorte de vous en parler, puisque vous la faites sentir mal », laisse-t-il tomber.

Signaler le problème

La gêne et la honte laissent des traces profondes. Elles seraient aussi la principale raison pour laquelle seulement 5 à 10 p. 100 des cas de fraude sont signalés, selon des études réalisées par l'Université McMaster et Statistique Canada. Cela signifie que le nombre de Canadiens qui ont été victimes de fraude en 2024 dépasse probablement de beaucoup les 108 878 signalements faits au CAFC l'an dernier, estime Jeff Horncastle.

« Bien des personnes ne se rendent pas compte qu'en signalant une arnaque, on fournit à la police l'information dont elle a besoin pour freiner les activités des fraudeurs et les empêcher de faire d'autres victimes », dit-il. « Il est donc important de briser la stigmatisation des victimes pour les encourager à sortir de l'ombre sans craindre de se faire juger. »

Lever le voile sur les pratiques trompeuses

Les escrocs changent constamment leurs tactiques, de sorte que la fraude est de plus en plus difficile à déceler sur le moment. Le CAFC et ses partenaires, y compris l'Association canadienne des chefs de police, le Centre national de coordination contre la cybercriminalité (CNC3) et d'autres organismes gouvernementaux, s'efforcent de mettre au jour les nouvelles méthodes des fraudeurs pour éviter que davantage de personnes soient piégées.

« En braquant les projecteurs sur ces pratiques trompeuses, nous souhaitons donner aux Canadiens les moyens de reconnaître et de déjouer les escroqueries », soutient Jeff Horncastle, rappelant que la tactique la plus courante des fraudeurs consiste à créer un sentiment d'urgence chez leur cible.

« Par exemple, ils mettent un article à vendre à un prix imbattable, vous faisant sentir que vous allez rater une aubaine si vous ne l'achetez pas tout de suite. Ou bien ils proposent une possibilité d'investissement qu'il faut saisir immédiatement pour faire un gros coup d'argent. Ou encore ils vous pressent d'agir pour éviter de vous faire arrêter. Même avec les stratagèmes de rencontre, il finit toujours par y avoir une situation d'urgence où il faut se dépêcher d'envoyer des fonds », poursuit-il. « Les fraudeurs procèdent de cette manière parce qu'ils ne veulent pas que la victime ait le temps de réfléchir à ce qui se passe. »

Pour en savoir davantage sur les moyens de vous protéger, visitez le site Web du CAFC. Si vous êtes victime d'une fraude, communiquez avec votre service de police local et faites un signalement au CAFC en ligne ou par téléphone, au 1-888-495-8501. Si vous soupçonnez une fraude, mais que vous n'en êtes pas victime, signalez-la quand même. L'information que vous transmettez au CAFC aidera à mener des enquêtes, à voir si des liens existent entre différents dossiers, à informer le public des nouvelles tactiques et à empêcher que d'autres personnes soient prises au piège.

Sécurité publique

  1. Les faits : La sextorsion

    La GRC s’efforce d’informer le public sur les dangers de la sextorsion et sur les mesures à prendre pour éviter d’être victimisé.

Date de modification :